L’année 2016 a probablement été l’une de mes meilleures depuis que j’ai commencé l’aventure de l’écriture. J’ai deux projets stimulants sur la table, les ventes se portent bien et le nombre d’abonnés à mon infolettre ne cesse de croître.

Je ne suis pas à plaindre.

Et pourtant…

Depuis quelques mois, quand je m’assois devant mon ordinateur, il me semble que les mots ne viennent pas aussi naturellement qu’avant. Ce n’est pas le syndrome de la page blanche : j’ai des idées à la tonne, ça n’a jamais été un problème. Seulement, on dirait que j’éprouve plus de difficulté qu’avant à les exprimer de façon originale.

Nourrir la créativité : de nouveaux objectifs à définirComme si mon jus créatif s’était épuisé.

Même pour écrire ce billet, il me semble que ça grince dans ma tête. Mes engrenages sont rouillés.

Ça s’expliquerait. Depuis 2012, je passe la majeure partie de mon temps à écrire. J’écris le jour (et je fais parfois des contrats de rédaction), et le soir, je prépare le repas, je fais la routine du dodo et je finis la journée devant un livre ou un show de télévision.

J’ai toujours considéré que l’écriture était une façon de raconter notre vision du monde et de la société. Or, depuis des années, ma vision du monde ne se limite à peu près qu’au périmètre de mon bureau et de ma maison.

Si je fais sortir des histoires, en échange, quelque chose doit entrer. Et je ne crois pas que juste de dire : « Lis plus de livres » va régler mon problème. Je lis entre 60 et 100 livres par année. Je pense que c’est assez, et je ne voudrais pas me mettre de la pression pour en lire davantage.

Je crois que, ce qu’il me manque, ce sont des expériences concrètes. Quelque chose d’excitant, qui me ferait sortir de ma zone de confort, et qui me permettrait de raconter des histoires à mon retour à la vie normale. There and back again, genre.

J’ai récemment lu deux livres qui m’ont mené à ce constat : The Happiness of Pursuit de Chris Guillebeau, qui parle de grandes quêtes abordées par des gens ordinaires, et Level Up Your Life de Steve Kamb, où l’auteur utilise la métaphore de la « gamification » pour trouver des moyens de vivre de nouvelles expériences et de se remettre en santé. Steve Kamb semble avoir passé par le même cheminement intellectuel que moi : après avoir passé des heures et des heures devant un écran d’ordinateur, il a voulu « sortir » et faire autre chose de sa vie.

Je ne dis pas que je veux lâcher le métier d’écrivain. J’adore ça, et je sais pertinemment que la seule manière d’achever un livre est de se réserver du temps « cul sur chaise ». Mais je crois qu’il est urgent, pour moi, de trouver de nouvelles façons de nourrir ma créativité. Que ce soit en voyageant, en participant à des trucs, ou je-ne-sais-pas-quoi. Ma réflexion s’amorce à peine là-dessus.

Un autre élément déclencheur de cette remise en question a été la lecture des billets Carnet de Rome de l’auteure Audrey Wilhelmy. Elle est partie le 28 septembre dernier pour une résidence d’écriture à Rome, et j’adore les histoires qu’elle publie par rapport à son séjour, aux difficultés qu’elle rencontre, et j’aime particulièrement les photos qu’elle met sur Instagram.

Ça m’a rendu… comment dire… un peu jaloux? Mais attention : Audrey mérite absolument cette résidence, je ne suis pas en train de contester sa place. Pas du tout.

C’est qu’en réalité, des appels de candidatures pour des résidences d’écriture comme celle d’Audrey, j’en ai vu passer il y a quelque temps. J’aurais pu y participer. Sauf qu’au lieu de soumettre des demandes, je me suis répété mes défaites habituelles :

  • je serais sûrement incapable de voyager seul
  • le jury ne choisirait jamais un auteur comme moi
  • il faudrait que je m’achète un portable; j’ai pas de portable
  • il faut que je m’occupe de ma famille : partir un mois serait inconcevable

Et pourtant, j’en ai parlé à Mireille dernièrement, et elle serait prête à tenir la maison pendant mon absence si jamais j’obtenais ce genre de résidence. Je suis mentor auprès de jeunes auteurs et j’ai déjà frôlé des prix littéraires de jury; il faut croire que je suis pas si pire. Je pourrais m’acheter un portable : ça n’a pas besoin d’être un MacBook dernier cri. Et je pourrais me botter le cul pour voyager seul. D’autres le font.

Je voudrais cesser d’avoir des défaites. Et prendre des risques. Passer à l’action.

Suis-je fou de penser ça? Ou est-ce juste une angoisse de Nord-Américain mâle qui a vécu la majeure partie de sa vie dans le privilège?

Je voudrais me définir de nouveaux objectifs pour les prochaines années. Et pas juste des trucs liés à l’écriture. « Écrire et publier un livre », je suis passé 10 fois par là. J’ai besoin de sortir de ma zone de confort, de vivre quelque chose de différent.

Je me sens prêt pour l’étape suivante, on dirait. Mais encore faut-il que je sache en quoi elle consiste.

Image : Pixabay.com

Nourrir la créativité : de nouveaux objectifs à définir

16 avis sur « Nourrir la créativité : de nouveaux objectifs à définir »

  • 24 octobre 2016 à 13:45
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    Sean (surtout lui) en a parlé dans SPP, de l’importance de voyager, de bouger physiquement pour nourrir l’écriture. Dans mon cas, beaucoup d’idées naissent en voiture, mais rencontre des gens, sortir de la routine, ce sont d’excellentes façons de nourrir la bête de créativité. Des résidences d’écriture, il y en a des pas si loin que ça, aussi.

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    • 24 octobre 2016 à 13:57
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      Je vais probablement faire le tour des résidences offertes dans pas si longtemps, et essayer de me monter des dossiers qui ont de l’allure. Mais en effet, je suis du même avis que Sean. Je me souviens de cet épisode. Ça m’avait allumé.

  • 25 octobre 2016 à 13:46
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    Je pense aussi qu’il faut sortir de sa zone de confort, « nourrir la machine ». Et le voyage n’a pas besoin d’être loin ni long : la première fois que je suis partie une fin de semaine en trekking, avec tout mon matériel sur mon dos, laissez-moi vous dire que je suis revenue avec une tonne et demie de jus créatif! J’aime aussi beaucoup me déplacer sur le terrain. Allez m’asseoir dans un palais de justice et observer un procès. Visiter un poste de police, les coulisses d’un théâtre, les cuisines d’un restaurant, bref, aller là où je ne suis jamais allée avant. Et la résidence d’écriture est quelque chose que je prévois tenter dans les prochaines années (même si, comme toi, je ne manque pas de défaites chaque fois que je vois passer les appels…).

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    • 25 octobre 2016 à 15:25
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      Un procès, ou bien une séance de l’assemblée nationale. Il faudrait bien que j’aille voir ça.

      Mon problème est que mon livre actuel s’inspire d’une ville médiéval du Moyen-Orient. Ça fait loin en titi pour se déplacer. Je peux bien chercher des photos sur Google Images, mais c’est pas comme être sur place, ça c’est sûr. Faut que je recherche des expériences « similaires » dans la vraie vie ou dans la littérature, ou que je les imagine. Bref, pas évident.

    • 25 octobre 2016 à 16:21
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      Tu parles à une historienne, alors je compatis à 500% !

  • 26 octobre 2016 à 12:44
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    Je suis super contente de lire ça! Tu m’en avais parlé un peu de vive voix et j’aime bien que tu le dises publiquement!

    Tu peux essayer une « résidence d’écriture » un peu comme la mienne si tu veux. Tu t’inspires dans un autre environnement, avec du nouveau monde et de nouvelles choses à découvrir, avec le budget qui te convient, et ce même sans remporter une bourse. Ça peut être une option d’ici le moment où tu recevras une bourse ;)

    Si je peux te donner un coup de main, fais-moi signe!

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    • 26 octobre 2016 à 15:53
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      C’est bien possible que je t’écrive un de ces 4 pour des infos. J’ai déjà quelques destinations en tête. Dès que ça ralentit dans mes corrections, je me penche là-dessus. Et merci!

    • 26 octobre 2016 à 15:54
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      J’aurais vraiment aimé voir ça. Malheureusement, il ne semble pas être disponible au public…

  • 30 octobre 2016 à 19:25
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    Il y a des moments comme ça. Peut-être que c’est de l’épuisement? Tu dis que tu écris sans cesse depuis 2012. Une pause pourrait peut-être aider. Je trouve que c’est assez dur mentalement d’écrire sans arrêt.
    Sinon un portable pourrait peut-être t’être utile. Tu pourrais écrire dans des parcs, des cafés… et même dans des bars tranquilles, et t’inspirer de ton entourage, de gens bizarres qui passent :)

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    • 1 novembre 2016 à 16:15
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      Tu as raison. Il y a des journées où écrire, c’est pénible. La pause s’en vient : j’ai quelques contrats de rédaction qui s’en viennent. Néanmoins, j’ai trouvé en fin de semaine l’élément qui manquait à mon histoire, et de fait, la motivation est revenue.
      Le portable serait une bonne idée. Pour le moment, mon problème est que je travaille sur Scrivener, et je déteste les PC. Et les Mac sont trop chers pour mon budget. Faque je passe mon temps à reporter cet achat à plus tard.

  • 4 novembre 2016 à 21:34
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    Sortir du quotidien régulièrement me semble, en plus de la lecture, essentiel pour se renouveller.
    Voyager? Aller vers l’inconnu? Parfois c’est nécessaire, mais encore faut-il découvrir l’angle avec lequel on veut entreprendre ce lapsus dans sa vie. Certains ou certaines le font en affrontant les défis que présente la nature: partir et faire de l’alpinisme, faire des excursions en forêt, etc. D’autres vont à la recherche des vestiges des Civilisations anciennes chez les Mayas, les Incas, etc. J’en connais d’autres qui partent 6 mois ou plus pour découvrir d’autres cultures et participer à du travail humanitaire et connaître ainsi le quotidien de gens qui luttent pour leur survie.
    Et s’il est difficile de s’éloigner en raison des limites budgétaires et des obligations familiales, pourquoi alors l’écrivain ne s’intéresserait-il pas aux activés sociales et politiques de son quartier, de sa ville? Le but étant de sortir de sa bulbe et de prendre les occasions qui se présentent pour connaître et s’engager dans le réel.

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    • 7 novembre 2016 à 16:37
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      « S’engager dans le réel. » C’est peut-être ça qui manque. Ces idées vont nourrir ma réflexion. Merci beaucoup!

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