La plus jolie fin du monde

Ces temps-ci, je lis de la bande dessinée. Je suis dans un trip Zviane. Hier, j’ai lu La plus jolie fin du monde et aujourd’hui, j’embarque dans le Quart de millimètre.

Je me retrouve beaucoup dans le personnage principal de Zviane, qui est sans cesse déchiré entre la BD et la musique.

(pour ceux qui l’ignorent, ces deux bandes dessinées contiennent des planches qui ont été préalablement publiées sur son site Web, et ça se situe donc quelque part entre l’autobiographie et l’autofiction)

Zviane voudrait composer de la musique, mais aussi se spécialiser en BD. C’est un des gros sujets dans les deux livres. Dans La plus jolie fin du monde, elle réalise qu’elle est meilleure en dessin et se demande de façon très légitime si :

  • c’est mieux de se spécialiser dans ce domaine; ou
  • elle devrait mettre plus d’énergie dans la composition musicale pour que son niveau d’expertise dans les deux milieux se rejoigne.

Je me suis posé une question semblable il y a environ 6 ans.

Un de mes premiers portraits à l'huile

Comme certains le savent, quand j’étais petit, je dessinais. Je peignais, pour être plus précis. Je suivais des cours de dessins, je passais l’été dans un camp dirigé par une aquarelliste, je barbouillais un carnet d’esquisses. J’avais 8 ans et je peignais des portraits hyper réalistes.

J’étais un « p’tit crisse de génie ». (je me permets l’expression, car, aujourd’hui, je n’ai plus grand-chose en commun avec ce garçon-là qui voulait devenir astronaute)

Sauf que je n’écrivais jamais. En fait, c’est faux. J’écrivais des histoires de Donjons & Dragons. C’est un passage obligé pour tous les auteurs de fantasy, on dirait.

Mais, au fond, l’écriture, je m’en foutais.

Moi, en 1999

Jusqu’en première année de cégep, en 1999, j’ai essayé plein de trucs :

  • la sculpture dans le bois (ou le « gossage dans une bûche », comme certains disent);
  • la peinture à l’huile;
  • l’aquarelle;
  • la bande dessinée;
  • le dessin au crayon de plomb, chose que j’aimais le plus; et
  • l’animation 3D.

Je ne me souviens même plus pourquoi j’ai commencé à écrire. Sans blague.

Je dessinais et je trouvais ça frustrant. Parce que la peinture à l’huile, c’était chiant. C’était long à sécher. Pour qu’une couche sèche, ça prenait 2 semaines. Et j’étais trop orgueilleux pour jeter mon matériel et recommencer avec l’acrylique, qui donne beaucoup moins de misère aux artistes.

Un personnage d'une BD qui n'a jamais abouti

Je commençais des bandes dessinées. D’une case à l’autre, mes personnages ne se ressemblaient pas. Et ça m’emmerdait sérieusement de refaire encore et encore les mêmes décors.

Côté habiletés, j’étais pas si pire. En peinture, j’étais capable de reproduire à peu près n’importe quoi avec un niveau de réalisme élevé. Mais je n’avais aucun style. C’était du copier-coller sur la réalité. On a inventé les appareils photo pour ça. Les peintres devaient aller plus loin.

J’étais un peu perdu dans là-dedans.

Écrire, c’était peut-être, pour moi, une sorte de révolte contre les arts visuels.

J’ai donc commencé un premier roman, puis un deuxième, puis un troisième… pour le plaisir.

De 2000 à 2003, je dessinais et j’écrivais. J’investissais le même nombre d’heures dans chacune des disciplines. J’avais éventuellement rédigé l’introduction d’Alégracia et le Serpent d’Argent, et je m’amusais à illustrer les personnages du livre pour mieux les décrire.

Par contre, un jour, j’ai réalisé que je ne deviendrais jamais « expert » dans un domaine si je divisais sans cesse mon temps entre l’écriture et les arts visuels.

Alégracia avait intéressé une maison d’édition qui s’appelait Les Six Brumes. Mon premier accomplissement professionnel a donc été en écriture, même si je pratiquais cette discipline depuis beaucoup moins longtemps que les arts visuels.

Étrange? Peut-être.

Un Kajuvâr

Au fil des années, je mettais de moins en moins de temps dans le dessin. J’entretenais mon site Alégracia.com en y ajoutant, de temps à autre, quelques illustrations de personnages. Mais je le faisais à contrecœur. Ce qui me branchait, c’était l’écriture.

Puis, vint le jour où j’ai complètement lâché le crayon. L’intérêt n’y était plus. Je voulais me spécialiser dans le roman.

Quand on s’engage dans un domaine, il faut y consacrer plus de temps. Et comme une journée ne peut contenir plus de 24 heures, il faut généralement sacrifier quelque chose en retour.

Je ne crois pas qu’on se « trouve », artistiquement parlant, quand on prend la décision de s’engager dans une discipline. Je pense plutôt qu’on se « trouve » quand on lève la hache et qu’on sacrifie tout le reste.

Drastique, vous dites?

Malcolm Gladwell prétend que pour être considéré comme un expert dans un domaine, il faut y consacrer au moins 10 000 heures. En suivant cette théorie, si je mets 5000 heures dans l’écriture et 5000 heures dans le dessin, je ne suis expert dans rien.

Dans la vie, faut faire des choix. Et j’ai choisi les mots.

L’art de se chercher et de se trouver
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8 avis sur « L’art de se chercher et de se trouver »

  • 29 août 2010 à 14:31
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    Inspirant.

    J’avais perso choisi le génie (sans farce).

    Je reviens aux mots graduellement.

    Et explore un peu une passion retrouvée pour la photo…(encore à la case départ).

    Merci!

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  • 29 août 2010 à 14:59
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    Moi j’avoue sans complexe que j’ai choisi les mots parce que j’ai jamais réussi à dessiner convenablement! (et ce n’est pas faute d’avoir essayé).

    Mais en effet, je pense qu’on sait qu’on s’est trouvé quand on est prêt à sacrifier tout le reste pour une discipline… et qu’en plus on fait ces sacrifices sans trop de peine. De mon côté, c’est la carrière d’historienne qui a subit le contrecoup de mon amour pour l’écriture. Les arts martiaux aussi, un peu, mais je les garde comme passe-temps, histoire d’équilibrer corps et esprit.

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  • 29 août 2010 à 16:44
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    Gen : Je pense aussi que je me compare moins avec les maîtres en écriture qu’en dessin. Quand tu mets ton illustration côte à côte avec celle d’un bédéiste de renommée, par exemple, tu te sens un peu minable.

    Avec l’écriture, la comparaison ne se fait pas automatiquement.

    Quand je lis des phrases superbe dans les romans d’un autre, au lieu de me dire : « Asti que je suis pourri! », j’ai plutôt tendance à les apprécier sans tourner le regard vers mes œuvres. En arts visuels, pour moi, c’était plus difficile de me détacher de ma création.

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  • 29 août 2010 à 19:54
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    Peut-être parce que, contrairement aux arts visuels qui s’apprécient d’un regard, la qualité d’une fiction ne dépend pas de ce qu’on peut saisir en un instant? Et donc que même si une phrase est moche, l’intrigue peut être excellente ou les personnages attachants?

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  • 29 août 2010 à 20:12
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    « …qu’on se « trouve » quand on lève la hache et qu’on sacrifie tout le reste. »

    Wow. C’est ça. C’est exactement ça! Moi, j’ai hésité entre la peinture, l’écriture et la musique. Au départ, je voulais évoluer dans ces trois catégories, mais j’ai évidemment dû choisir. Et les mots ont crié plus fort que tout le reste.

    Je passe justement mon temps à couper dans tout le reste, pour avoir plus de temps pour écrire. En me disant chaque jour que ce n’est pas suffisant, qu’il va falloir couper encore. En récupérant chaque minute disponible, en cherchant des moyens pour aller en chercher encore un peu plus.

    10 000 heures, hein? Va falloir que je commence à compter, là… ;)

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  • 30 août 2010 à 9:12
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    Ce qui me branche avec les mots, contrairement au dessin, c’est que même si les scènes, les personnages et les événements sont décrits avec grande justesse, c’est quand même le lecteur qui a le dernier mot sur les détails de la scène. Un livre lu par mille personnes aura mille images mentales différentes! Il n’y a que les mots (et la musique, à un certain degré) pour permettre cela.

    Ah oui, et il y a aussi le fait que je suis archi-pourri-méga-nul en dessin. Le genre à rater ses bonshommes allumettes!

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  • 30 août 2010 à 13:06
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    Moi, je me suis cherché sur google, pis ça a dit que j’écrivais de l’horreur, alors j’ai pris ça comme une prophétie…

    À part ça, j’aurais aimé faire de la musique, mais je n’ai absolument aucun talent là dedans. D’un autre côté, l’écriture (et la littérature, d’horreur surtout) ont toujours eu une grande place dans ma vie. Enfant et ados, je visitais la bibliothèque municipale plusieurs fois par semaine (et c’était pas juste pour reluquer les filles en passant), alors j’ai choisi l’écriture sans trop d’hésitation.

    D’un autre côté, de choisir de mettre du temps là dedans au lieu de regarder la télé, de jouer à des jeux vidéos, de lire, de travailler (!?) ou de faire toute autre activité est une décision de tous les jours… Je crois que c’est l’amour de l’horreur qui me pousse à investir mon temps dans l’écriture.

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