Certaines journées, comme aujourd’hui, je m’installe, tout souriant, devant mon ordinateur, et je l’ouvre, heureux à l’idée de consacrer tout mon temps à écrire pour la journée. J’ai une bonne idée de ce que je vais écrire aujoud’hui (car j’ai écrit la veille, et que je veux simplement compléter la scène amorcée). Sauf que… Rien. Je suis incapable d’écrire. Les mots, qui si souvent défilent à une vitesse tellement folle que j’en développe des crampes dans les mains, n’existent plus. Pourtant, mes idées sont claires, je ne souffre pas d’un mal de tête, je sais où je veux amener mes personnages à très court terme, je connais le dénouement de la scène que je travaille… Mais rien!  Je me suis étiré, j’ai brossé mes dents, pris ma douche, déjeuner, mis de la musique… j’ai changé de pièce (l’avantage d’avoir un ordi portable), fermé les lumières, ouvert les rideaux, changé de musique, grignotter des fruits, bu de l’eau très froide. Relu ce que j’ai écrit la veille.

RIEN!

Les mots refusent de sortir, de s’installer confortablement dans le fichier informatique, bien calés contre leurs homologues de la veille qui ont si gentiment accepté de former des phrases que je n’ai pas trop envie de décapiter ce matin. La situation est parfaite, pourtant: j’aime entendre le vent siffler contre la fenêtre et rêvasser entre deux phrases en regardant la neige qui tourbillonne.

Pourtant, il est maintenant midi, et j’ai écrit à peine 100 mots en presque deux heures.

Peut-être que je souffre d’un trouble relié à la page blanche. Peut-être que mon plan n’est pas assez détaillé et que, plutôt que d’être capable d’écrire, de se placer en mode « écriture », mon cerveau se concentre sur la planification, tentant de planter les jalons qui mèneront à la fin de la scène, et qu’au moment où il sera prêt, il lancera les bons signaux à mes doigts, leur permettant de voler sur le clavier pour enfin taper les mille mots quotidiens.

C’est difficile pour moi de travailler avec un plan trop détaillé. J’aime bien me laisser porter par l’histoire, par les personnages. Parfois je tape une réplique qui me fait changer complètement ce que j’avais prévu, parce que je me dis que si c’est cette réplique que j’ai écrite, et pas une autre, c’est que le personnage s’en va dans cette direction. Et s’il y va, c’est que je l’ai créé pour qu’il se déplace dans cette direction, même si ce n’est pas celle que j’avais prévu.

Bien sûr, j’ai établi les arcs dramatiques principaux il y a longtemps. Je sais qu’il doit se passer telle ou telle chose dans le futur de mes personnages, à court terme et à long terme. Cependant, la planification détaillée des péripéties m’est impossible ou, du moins, difficile.

Alors parfois, quand je m’installe pour écrire, il ne se passe RIEN.

Toutefois, les journées comme aujourd’hui, je me dis que je devrais me concentrer sur autre chose en attendant que les mots reviennent. Car ce n’est pas vrai que les mots n’existent plus. Ils sont seulement trop occupés ailleurs, avec un autre auteur, et quand ils en auront terminé avec lui, ils reviendront.

M

PS: Pourquoi pas une nouvelle où le protagoniste détient la possibilité de voler les mots et les phrases de ses auteurs préférés, les privant d’inspiration, et en faisait son propre roman, éliminant du même coup la compétition en empêchant les autres d’écrire?

L’ambition de l’écriture (3): Quand les mots n’existent plus
Étiqueté avec :                    

4 avis sur « L’ambition de l’écriture (3): Quand les mots n’existent plus »

  • 7 janvier 2009 à 18:02
    Permalien

    Tu ne trouves pas tes mots Mathieu !
    Comment expliques-tu alors en avoir écris 567 dans ce billet ?
    Souvent l’inspiration… c’est laisser filer l’esprit qui détient le secret des mots justes et à propos !
    Tu avais juste envie de parler d’autre chose…
    On a besoin parfois de se libérer d’impressions qui nous tenaillent… et quand c’est fait, hop ça revient tout propre, tout neuf… tout inspiré !

    Répondre
  • Ping :Écrivains sur le Web et oeuvres en gestation « Du cyberespace à la cité éducative…

  • 10 janvier 2009 à 16:38
    Permalien

    Les blancs que j’ai en écrivant me motivent. Si mon écriture est trop fluide, ça m’inquiète; j’ai l’impression que mon histoire se prolonge vers l’horizon avec la platitude rectiligne d’une autoroute. Si par contre, certains passages me forcent à réfléchir, ça me rassure. Par définition, ça m’oblige à créer quelque chose de plus recherché.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *