Je reviens tout juste du Studio P où j’ai entendu les très éloquents Stanley Péan, Stéphane Dompierre, Jean Pettigrew et Antoine Tanguay discuter de la relation importante, souvent étrange, entre l’auteur et l’éditeur. Cette table ronde intitulée Les méandres de l’édition se déroulait dans le cadre du festival Québec en toutes lettres.
Une première chose que j’ai apprise : mon iPod touch 4G prend de très mauvaises photos dans les lieux obscurs.
Avant le début de la table ronde, j’ai encore une fois été surpris de voir que plein de gens me connaissaient. Et moi, au lieu de faire ma star et saluer les gens en retour, je dis toujours : « Hein!? Ah ouais? Où est-ce que t’as entendu parler de moi? » Ça fait un peu n00b.
Désolé.
Passer du manuscrit au livre
Une des premières choses qui est soulignée est le fait que les éditeurs, de nos jours, ont de moins en moins le temps de s’asseoir et de retravailler le texte avec leurs auteurs. Ce n’est apparemment pas le cas d’Alto et d’Alire, qui peuvent remanier un roman pendant des mois, voire des années, avant d’atteindre un résultat satisfaisant.
Jean Pettigrew appelle des « publieurs » ceux qui choisissent des manuscrits et les imprimaient tels quels pour en faire des livres, sans les retoucher. Ils seraient nombreux à procéder ainsi dans le milieu.
En gros, l’éditeur permet à l’auteur de se rendre « au bout de son idée ». Il prend un manuscrit et le transforme en livre. L’écrivain, quant à lui, ne doit pas avoir peur du travail. La poubelle est sa meilleure amie.
Prenons l’exemple de Nikolski, de Nicolas Dickner : 150 pages ont été retranchées au manuscrit pour aboutir à la version définitive qu’on connait. Antoine Tanguay a pris le temps de s’assoir avec Dickner pour discuter de l’histoire, sans nécessairement avoir le document entre les mains. Le but était de jaser, de voir où on pourrait amener le récit.
Jean Pettigrew compare son travail à celui d’un architecte puisqu’il a lui-même une formation dans ce milieu. Éditer, c’est comme bâtir les fondations du livre.
La réécriture avec le directeur littéraire
Selon Dompierre, malgré tout les changements qu’un éditeur peut demander, une suggestion demeure une suggestion. L’auteur doit faire preuve de jugement et orienter son récit dans la bonne direction. Il se qualifie lui-même comme étant assez orgueilleux, au sens où il retravaille maladivement un texte avant de le soumettre en espérant recevoir moins de commentaires.
Dompierre souligne qu’il est bien content que le milieu du livre soit peu contrôlé par l’argent, contrairement au monde du cinéma, par exemple. Jamais un éditeur ne lui a demandé de changer la fin de son roman « parce que ça vend plus ».
L’écriture, c’est comme la musique. Pettigrew recherche un bon rythme, veut un texte qui sonne bien. Selon lui, les auteurs ont des tics d’écriture, et ces tics doivent être corrigés. Pas question de simplement dire « j’aime » ou « j’aime pas »; l’éditeur doit toujours démontrer ce qu’il dit dans ses commentaires.
Chose étonnante : Pettigrew avoue qu’il a déjà édité des livres qu’il n’aime pas. Il précise toutefois que son but est de publier les meilleurs romans possible sur un sujet. Son catalogue n’est pas nécessairement sa bibliothèque personnelle.
Tanguay, quant à lui, se demande : « Qu’est ce que je peux apporter à ce livre-là? » Et ensuite il commence un travail collaboratif avec l’auteur.
Les rééditions d’œuvres déjà publiées
L’animateur mentionne que le roman On the Road de Jack Kerouac vient d’être réédité en se basant sur le manuscrit original de l’auteur, puisqu’on prétend que l’éditeur avait alors « dénaturé » l’oeuvre. Il demande aux panélistes ce qu’ils en pensent.
Antoine Tanguay croit que, dans plusieurs cas, la réédition peut être justifiable. Ce propos qui a été appuyé par Jean Pettigrew, à ma grande surprise. Tous les deux disent que l’œuvre appartient à l’écrivain, et c’est à lui de l’amener où il veut l’amener. Dans le cas de On the Road, c’est une question de contexte puisque c’est devenu un classique.
Pettigrew précise que les mauvais éditeurs existent et que ceux-ci peuvent modifier une oeuvre à tort.
Le livre numérique et la chasse aux sorcières
À quelques minutes de la fin, la discussion diverge sur le livre numérique. L’animateur essaie de mettre le feu aux poudres en évoquant la possibilité que le livre numérique puisse un jour tuer le livre papier. Ce propos m’a un peu ennuyé, malheureusement, puisque j’ai déjà entendu ce discours des dizaines de fois. Et ça mène toujours aux mêmes conclusions.
En bref, les participants partagent mon opinion : les divers formats peuvent cohabiter sur le marché. Ils se complètent.
Stanley Péan croit que le format numérique est le prolongement de l’ancien format. On peut concevoir des œuvres en fonction des nouvelles plateformes, mais ça n’enlève rien au livre traditionnel.
Les quatre panélistes appuient l’idée que l’éditeur restera essentiel dans tout processus de publication, qu’il soit numérique ou sur papier.
Malgré tout ce qu’on dira, il faut se rappeler que le numérique est un format. Le processus d’édition ne changera pas avec sa venue.
En conclusion
La relation entre les auteurs et les éditeurs ne m’est pas étrangère. Du fait, je n’ai pas entendu de grandes révélation durant cette table ronde. J’ai toutefois été heureux d’entendre les différentes anecdotes des panélistes sur les manières de retravailler leurs livres.
J’ai assisté à une belle activité qui a suscité beaucoup d’intérêt de la part des participants. La salle était presque comble. Je tiens d’ailleurs à féliciter les responsables du festival Québec en toutes lettres pour avoir organisé un tel évènement dans la capitale.
J’aurais aimé rester après la fin pour discuter avec des membres de l’assistance, dont Audrey Parily, Christiane Vadnais — que j’ai seulement eu le temps de saluer — et des amis en études littéraires. J’ai malheureusement dû quitter rapidement.
On se reprendra la prochaine fois!