Il me semble qu’un phénomène a tendance à s’accroitre sur le Web : des écrivains sur des réseaux sociaux qui se vantent sporadiquement d’avoir écrit 2000, 3000 ou 4000 mots aujourd’hui, dans leur nouveau bouquin.

Avant, ce genre de commentaire m’impressionnait. D’abord, parce que j’écris lentement. Pas trop lentement. Juste assez. Après avoir gribouillé quelques paragraphes, je reviens dessus plusieurs fois pour retravailler les phrases, leur donner un peu de style, de la couleur.

Certains produisent la phrase parfaite dès le premier jet. Tant mieux pour eux! Mais je n’ai pas cette aptitude.

Aujourd’hui, les écrivains qui écrivent plus vite que leur ombre, ça me laisse indifférent. Non, faux. Ça m’agace un peu.

Je connais plusieurs auteurs qui se mettent une pression incroyable sur les épaules. Ils veulent écrire le plus de livres possible dans des délais très restreints. Et pourquoi cela?

« Si je veux survivre dans ce milieu-là, je dois sortir beaucoup de livres. Sinon, on va m’oublier. »

J’ignore quel but est recherché par là. Pense-t-on que parce qu’on publie beaucoup de livres, on est nécessairement un meilleur écrivain? Que la quantité nous assure une reconnaissance des lecteurs, du milieu et des critiques? Qu’en publiant beaucoup, on fait beaucoup d’argent?

Plusieurs sont capables d’écrire 4000 mots excellents. Mais je sais que certains accélèrent le processus au détriment de la qualité. Et ils le font volontairement.

Je ne comprends pas ceux-là.

Il me semble que c’est en produisant de bons livres qu’on reste dans la mémoire des gens. Un écrivain qui se force à écrire beaucoup manquerait-il de confiance en soi, se sentant incapable de produire le bon livre, celui qui le propulserait au sommet des palmarès? (remarquez que bon livre ne signifie pas nécessairement bestseller, mais ça, c’est un autre débat)

Au lieu de lire : « Aujourd’hui, j’ai écrit 5 millions de mots dans mon livre », je préférerais nettement qu’on dise : « Je viens de chier un ostie de bon chapitre! »

Et ces éditeurs qui mettent de la pression sur leurs auteurs font aussi partie du problème. Pourquoi vouloir sortir autant de livres, si vite? Oui, oui, je sais, si on ne mitraille pas le marché avec les nouveautés, on va se faire bouffer tout cru par les autres. Hmm…

Rappelez-vous ceci : en amputant un roman de centaines d’heures de travail, vous l’amputez de sa qualité de manière proportionnelle.

Respecter le roman, c’est lui donner le temps qu’il mérite. Et respecter son roman, c’est respecter son lecteur. Pensez-y.

Écrire plus vite que son ombre
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42 avis sur « Écrire plus vite que son ombre »

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  • 25 novembre 2010 à 17:16
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    Comme je suis heureux d’entendre ces mots ailleurs que dans ma tête ! Mieux vaut travailler un roman pendant deux ans que d’en sortir trois relativement bons en l’espace d’une année – du moins je pense…
    À force de constater à quel point certains écrivent « plus vite que leur ombre », je développe peu à peu le complexe de la lenteur !…

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  • 25 novembre 2010 à 17:28
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    Je suis d’accord. Ecrire, c’est une question de création, une histoire d’émotion, d’inspiration. Et j’ai peur de rater le coche si je vais trop vite. Et comme David l’a écris plus haut, quand on est lent on a l’impression que ce n’est pas normal, et on se remet en question. Alors merci pour cet article qui rassure et surtout qui dit vrai.

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  • 25 novembre 2010 à 20:11
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    Une fois par année, je me permets un marathon. Le reste du temps, je suis comme toi : je prends mon temps, je ré-écris, je retravaille.

    Et moi aussi je trouve un peu étrange les gens qui écrivent à un rythme d’enfer toute l’année.

    Parce que je ne le cache pas : mes résultats du Nanowrimo sont entre très moyens et archi-nuls. Mais ça me permet de jeter le squelette d’un truc sur papier, en m’autorisant, pour une fois, à ne pas perdre mon temps avec la façon dont j’écris.

    Les marathons, c’est fait pour se sortir nos premiers jets de la tête je pense.

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  • 25 novembre 2010 à 23:23
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    Je n’osais pas. Quand un tiers parle de chiffres pour mettre en mots des idées, je décroche.
    Encore plus quand on se sent obligė d’écrire sur ces mêmes chiffres qu’on atteint pas.
    Expérience intime qu’est l’écriture…
    Merci Dominic!
    (Je retourne dans ma hutte)

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  • 25 novembre 2010 à 23:40
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    Gen : Le Nano, je n’ose même pas y toucher. Je vomirais sur mon travail en voyant le résultat, et probablement que le vomi l’embellirait.

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  • 26 novembre 2010 à 8:05
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    Expérience intime, comme dit François. Mais moi je vais dans l’autre sens.

    C’est quand je ne réussis qu’à pondre péniblement 200-300 mots que j’ai l’impression de perdre mon temps, de ne pas «connecter» avec mon roman.

    Au contraire, quand, après des heures qui filent comme des minutes je réalise que j’ai lancé un gros paquet de mots sur l’écran, j’ai l’impression d’avoir pris soin de mon texte. D’avoir été à l’écoute des émotions et tout et tout.

    Remarque, ça ne veut pas dire que ce que j’ai écrit ne mérite pas d’être révisé par la suite.

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  • 26 novembre 2010 à 8:07
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    Tu ne seras pas étonné d’apprendre que ça rejoint ce que l’ANEL soulevait dernièrement. Il n’y a pas nécessairement trop d’écrivains au Québec, le problème est plutôt que plusieurs produisent trop dans une même année, ce qui crée un marché inondé où l’on se perd un peu…

    Et la pression, qu’elle vienne de soi-même, du lectorat ou de l’éditeur, est rarement positive. Elle a plutôt un effet contraignant et freine la création… J’en sais quelque chose :(

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  • 26 novembre 2010 à 8:23
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    Perso quand je fais une séance de 1000 mots je suis bien contente, et comme Gen, je fais le Nano une fois par an pour m’amuser et sortir un premier jet. Par contre, il faut quand même préciser que ceux qui écrivent jusqu’à 4000 mots par jour le font à temps plein. C’est sans doute plus « facile » d’écrire 4000 mots réparti sur 3-4 séances dans la journée.

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  • 26 novembre 2010 à 8:26
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    Pat : je comprends la nuance entre les deux situations. Moi-même, quand j’embarque pour de vrai dans mon texte, je peux me rendre assez loin. Le phénomène que je souligne, ce sont les écrivains qui accélèrent volontairement juste pour produire plus. Avoir un élan d’inspiration, c’est bien différent ;)

    Elisabeth : Tout ce phénomène nuit à la littérature d’ici, à mon avis. Que l’ANEL le reconnaisse, c’est déjà ça.

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  • 26 novembre 2010 à 8:30
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    Je précise que durant le Nano, je travaille sur des projets auxquels je crois un peu moins. Des trucs qui me hantent, mais dont je me dis « pas sûre que c’est original ».

    Par contre, un peu comme Pat, des fois il m’arrive, dans d’autres projets, d’entrer « dans la zone » et de me mettre à pianoter comme une folle, avec d’excellents résultats. (Ma nouvelle « Le Double » s’est écrite dans cet état de grâce, en un jet qui n’a presque pas été retravailllé).

    Par contre, dans ce temps-là, comme tu dis, j’ai plutôt tendance m’exclamer que j’ai pondu une nouvelle ou un chapitre, plutôt que « hé, j’ai écrit 4000 mots! »

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  • 26 novembre 2010 à 8:33
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    Audrey : À chacun son rythme! Je pense que je suis déjà rendu à 5000 mots dans une seule journée et, chose étonnante, je n’ai rien « flushé » ou presque. C’est arrivé une seule fois.

    Tu quand même raison là-dessus. Écrire à temps plein, ça aide beaucoup. Mais encore faut-il que l’auteur ait la bonne intention : celle d’utiliser son temps supplémentaire pour produire de meilleurs livres, pas juste pour se fouetter dans le dos et sortir 5 nouveautés par année.

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  • 26 novembre 2010 à 8:38
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    Gen : Techniquement, on a bien le droit de dire qu’on a pondu X mots! Je voulais seulement souligner l’impression que certains auteurs dégagent, celle où on sent que pour eux, ce qui est important, c’est la quantité. Dans mon cas, ça me laisse froid.

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  • 26 novembre 2010 à 8:47
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    Bien d’accord : moi aussi je trouve ça étrange quand c’est tout ce qui est souligné. C’est ce que je voulais dire : en sortant d’une scéance super productive, c’est pas de la quantité dont j’ai envie de parler.

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  • 26 novembre 2010 à 9:08
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    2 fois 8000 mots dans une journée. Le genre de journée qui tue et qui laisse l’esprit tellement vide que plus rien ne s’y produit pendant plusieurs jours.

    Sinon, je me situe rarement en haut de 2500.

    Mais attention: PREMIER JET! Jamais je n’écris sans rien rechanger par la suite. J’en fais une partie moi-même, et une direction littéraire m’aide à faire le reste.

    Certains éditeurs ne savent pas non plus ce qu’est une direction littéraire et ce qu’elle doit faire. Et oui, le travail d’auteur est beaucoup plus difficile avec une dirlitt qui ne te laisse aucune chance qu’avec un/une chargé de projet qui vise avant tout la rentabilité. Il faut trouver un juste équilibre entre les deux.

    Je suis de ceux qui aiment publier beaucoup. Mais en m’adressant à plusieurs publics, avec plusieurs formats, et en gérant le tout de façon simple et efficace: quand je considère que le projet est prêt pour la dirlitt, je l’envoie et en attendant d’avoir le retour, je travaille sur autre chose, et j’alterne les projets comme ça.

    Au total, je publie moins de mots par année qu’une Elisabeth Tremblay, par exemple, et qui pourtant publie un seul roman, alors que j’en publie 3 ou 4. Il y a cette question de perspective, aussi: Laurent Chabin a déjà publié 11 livres la même année, mais pour tous les publics.

    Écrire des romans de 5000 mots, ça peut se faire en 2 semaines (révision incluse) et donner d’excellents romans.

    Mais bon, tout ça, se sont des pistes de réflexion!

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  • 26 novembre 2010 à 9:19
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    Mathieu : Pour les gros livres, tu es immunisé; tu travailles avec Élisabeth Vonarburg ;)

    Mais oui, avec les petits romans pour jeunes (ou des Nova, par exemple), c’est une autre histoire à cause de la longueur.

    Je constate aussi l’absence de direction littéraire dans plusieurs maisons d’édition et ça m’attriste. Qu’est devenu le rôle de l’éditeur dans ce cas-ci? Aussi bien s’autopublier, ça va donner le même résultat.

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  • 26 novembre 2010 à 9:48
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    J’ai l’impression que Mathieu s’est senti attaqué par mon commentaire alors que ce n’était pas mon but. Je reprenais les propos de l’Anel. Point. Mes excuses à Mathieu.

    Il n’en demeure pas moins que c’est plus difficile pour les libraires, les distributeurs et les médias de travailler avec plusieurs titres d’un même auteur qu’un seul, à moins qu’il ne soit archi populaire, et encore. C’est plate, mais c’est comme ça. Quand j’ai sorti mon tome 2, 6 mois après mon tome 1, l’attachée de presse (depuis très longtemps dans le métier) a répondu à Mortagne qu’elle ne pouvait recontacter les médias une seconde fois pour le même auteur dans la même année. Qu’il y en avait d’autres qui avaient besoin qu’on parle d’eux. Pour le libraire, ça fait 3-4 ou 5 livres différents à caser, à connaître, à recommander, à tenir en stock, pour un seul auteur. Pour le ou les distributeurs, c’est de convaincre les libraires de commander un nouveau titre d’un auteur X alors qu’il manque de place et qu’il en a déjà accepté X dans son année. D’emblé, ils coupent alors sur le nombre d’exemplaires commandés et sur la visibilité qui en découlera en librairie. Et dans la tête des lecteurs, autant certains seront très heureux d’avoir plusieurs titres à se mettre sous la dent d’un auteur qu’ils aiment, autant d’autres y verront un manque de qualité et de travail sans même l’avoir lu. Encore une fois, c’est moche, mais c’est ainsi. L’ensemble de ce beau monde se fiche du nombre de mots, ils ne voient bien souvent que le nombre de titres… Désolée Dominic d’être un peu hors du sujet principal…

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  • 26 novembre 2010 à 9:56
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    Elisabeth : Pas de problème. On est ici pour discuter! (et bien souvent, mes billets sont moches; c’est dans les commentaires que la vraie substance se trouve)

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  • 26 novembre 2010 à 10:03
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    Je ne suis pas d’accord et je suis d’accord. C’est ambigu. Dans le passé, bon nombre d’auteurs se sont démarqués en publiant beaucoup, souvent uniquement pour l’argent. Et pourtant, nous les vénérons aujourd’hui. C’est un phénomène qui ne date pas d’hier.
    En général, ça me fait chier d’apprendre que j’ai aimé un livre qui a été pondu pour du cash ou plus vite que son ombre. J’imagine que ça dépend des lecteurs.

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  • 26 novembre 2010 à 10:05
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    Amen !

    Sinon on peut aussi inverser la situation : quand votre manuscrit est fini, il faut laisser du temps à l’éditeur et ne pas mettre de pression pour passer du manuscrit au livre en deux mois.

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  • 26 novembre 2010 à 10:05
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    Elisabeth, je n’ai pas pris ton commentaire personnel, ne t’inquiète pas. Je te citais parce qu’on a déjà eu cette discussion, justement.

    Et je suis pleinement d’accord avec ton dernier commentaire!

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  • 26 novembre 2010 à 10:36
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    Pat me fait penser que Dickens et Dumas publiaient beaucoup, en feuilleton, et ce sont des auteurs classiques aujourd’hui. Et ils publiaient l’équivalent d’un Amos Daragon par mois et demi!

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  • 26 novembre 2010 à 10:50
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    Mathieu : Et ils n’avaient même pas de PC! Je me demande comment ils faisaient… Si j’écrivais à la plume, mon poignet serait enflé comme un ballon de soccer. (mais peut-être que c’est le clavier qui m’a pourri les tendons)

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  • 26 novembre 2010 à 11:34
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    Je crois que le temps de retravail d’un texte compte beaucoup plus que le temps de rédaction comme tel. Ma méthode de travail supporte cette vision.

    J’aime que mon premier jet demande le moins de temps d’écriture possible (pas nécessairement le moins de temps de vie possible). Ça peut s’échelonner sur un ans ou deux ou trois ou…, à raison de quelques minutes ou heures par jour. Je ne révise pas pendant ce jet, je ne fais que sortir du matériel brut à retravailler par la suite. Cependant, comme j’écris pas micro-séances, j’ai beaucoup de temps pour réfléchir au texte et à son contenu. La majorité du temps passé sur un texte sera au moment de la révision et j’attends l’approbation de mon filtre (ma charmante épouse) avant de soumettre un texte (et elle est sévère!). Je travaille comme ça quand j’écris des articles scientifiques aussi.

    Concernant les auteurs qui publient beaucoup, ça me pose surtout un problème économique et c’est souvent sur l’achat des livres surnuméraires du même auteur que je coupe en premier. Et si la qualité diminue avec le volume, c’est clair que cet auteur figurera de moins en moins dans ma liste d’achats.

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  • 26 novembre 2010 à 12:07
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    Attention : Dumas en particulier écrivait beaucoup, oui, mais on est loin d’avoir retenu tout ce qu’il a publié! Et il faisait appel à des « nègres ». Ce n’est pas lui qui a tout écrit. Et ça paraît dans certains passages.

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  • 26 novembre 2010 à 12:35
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    Dumas faisait écrire ses romans par d’autres… Il organisait et polissait le travail de ses « secrétaires », il en avait plus de 50 ans, dont certains l’ont poursuivi en cour par la suite… Une brochure qui l’avait attaqué au XIXe siècle évoquait une « llittérature industrielle » et une « usine à romans »…

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  • 26 novembre 2010 à 13:29
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    Je suis d’accord avec Frédérick quand il dit que le but du premiier jet c’est de sortir le matériau brut sur lequel on doit retravailler par la suite. Je fonctionne comme ça, moi aussi. Un premier jet, qu’il soit écrit plus vite que son ombre ou sur une plus longue durée, est de la matière première. Comme le dit Gen, c’est un squelette d’un truc qu’on jette sur papier. Tant mieux pour certains si déjà le texte est parfait. Dans mon cas, ça ne l’est jamais.
    Et si, sur mon blogue, j’inscris le nombre de mots que j’ai écrits durant le Nano, c’est pour m’encourager à poursuivre. Point à la ligne ! Et c’est aussi pour tenir au courant mes lecteurs du progrès dans l’avancement de mon écriture.
    @ Mathieu : deux fois 8000 mots en une journée ! Wow ! Tu devais avoir les doigts en feu… ;)
    A+

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  • Ping :Écrire pour écrire | idmuse

  • 27 novembre 2010 à 9:12
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    J’avais aussi l’habitude d’écrire un premier jet très rapidement pour ensuite revenir dessus plusieurs fois. J’en avais même parlé une fois à Boréal, si ma mémoire est bonne.

    Cette année spécialement, j’ai essayé de ralentir et peaufiner les phrases à mesure, juste pour voir. Ça m’a pris peut-être le double du temps à finir mon premier jet, mais oh! que j’ai économisé par la suite sur les révisions! Et franchement, c’est vraiment encourageant de relire son texte pour la première fois et trouver que c’est « pas si pire ». ;)

    Je vais répéter cette démarche pour le prochain.

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  • Ping :De ces billets qui déplaisent ou qui choquent | DominicBellavance.com

  • 27 novembre 2010 à 12:24
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    Le décompte des mots est ce qui distingue le professionnel de l’amateur — dans la mesure où on termine ce qu’on écrit, parce que le produit fini doit être livré un jour. Ceci peut sembler tranchant, mais il devrait être clair que l’autre extrême, celui de l’auteur qui se soucie de phrases parfaites et non de mots, ne mène nulle part.

    La tension qui compte, ce n’est pas celle qui oppose la perfection et la vitesse, c’est celle qui oppose le bouclage et le non-bouclage du travail. On peut écrire rapidement et produire de la merde. On peut écrire rapidement et produire quelque chose de passable. On peut écrire rapidement et produire quelque chose de parfait. Mais si on n’écrit pas assez vite pour aboutir de son vivant, c’est mal parti.

    Une théorie (surtout illustrative) veut que le premier million de mots écrits par un auteur n’est pas bon, mais que l’auteur le moindrement intelligent apprendra en les pondant. Ceci peut prendre la forme de dix ou quinze romans écrits pour le tiroir avant le premier texte potable. Les auteurs les plus malchanceux publieront certains des premiers romans en question et auront peut-être intérêt à les renier plus tard. D’autres morcèleront leur apprentissage au fil des premiers jets jusqu’à ce qu’ils n’aient plus besoin d’en aligner autant. Au final, les auteurs aguerris auront moins besoin de premiers jets ou de brouillons ou de réécritures pour obtenir la qualité désirée de l’écriture (ce qui n’exclut pas les révisions imposées parce qu’on change d’idée au sujet de la narration). Rendu à ce point, on peut choisir ou non de compter les mots dans un texte en travail, et de les claironner ou non. Cela devient une question psychologique, pas une question de métier.

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  • 27 novembre 2010 à 12:48
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    Commentaire personnel : je ne m’embarquerais dans le Nano que si j’avais un but spécifique. Mon temps d’écriture est précieux.

    Cela dit, quand j’étais jeune (dans les années 80), j’avais participé deux années de suite au « Three-Day Novel Writing Contest ». Comme le titre l’indique, il s’agissait d’écrire un roman durant les soixante-douze heures de la fin de semaine de la Fête du Travail. La première année, je crois que j’avais pondu 70 pages dactylographiées environ, la seconde 90 pages environ. En anglais. Donc, environ 6 000 mots par jour la première fois et 7 500 la seconde. Faut-il préciser que ni l’un ni l’autre n’avaient remporté le concours? Ils ont été rangés dans un tiroir et j’en ai récemment fait don aux archives de l’Université d’Ottawa. Mais l’exercice avait été intéressant (et il avait pris moins de temps qu’un mois complet).

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  • 27 novembre 2010 à 14:00
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    Je n’ai qu’une chose à dire sur le sujet, et ce n’est même pas de moi :

    « Un idéaliste est quelqu’un qui, remarquant qu’une rose sent meilleur qu’un chou, conclut qu’elle fera une meilleure soupe. »

    – Henri Louis Mencken

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  • 27 novembre 2010 à 15:03
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    Michel : Mais quel est « l’idéal » en littérature, je me le demande? Succès critique? Pérennité de ses œuvres? Argent? Célébrité? La fierté d’être marginal et de réussir? Le statut d’artiste et son côté « glamour »? Quand on se lance en littérature, il faut se demander ce qu’on veut réellement aller chercher avec ça. Car choisir d’écrire, c’est beaucoup de risque impliqué et beaucoup d’énergie dépensée.

    Tiens, ça ferait un maudit bon billet, ça…

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  • 28 novembre 2010 à 23:02
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    Selon l’avis de plusieurs, les tomes 4 et 6 de ma série Arielle Queen sont les meilleurs. Je les ai écrits en 3 mois. Le premier tome d’Arielle Queen a nécessité plus d’un an d’écriture et de réécriture et je suis moi-même d’accord qu’il n’arrive pas à la cheville du quatrième.

    Vous voyez où je veux en venir? On n’écrit pas beaucoup livres de peur que les gens nous oublient. On écrit beaucoup de livres lorsque c’est notre gagne-pain. Parlez-en à Alain M. Bergeron, Gilles Tibo, Laurent Chabin et Fredrick D’Anterny.

    Si nous étions aux États-Unis, la question ne se poserait pas. Moi-même je serais millionnaire et je me contenterais d’un livre par année. Mais on est au Québec, et à moins de s’appeler Marie Laberge, Bryan Perro ou Anne Robillard, il faut publier beaucoup pour arriver à mettre du beurre sur la table. Si j’écrivais par pur loisir, les fins de semaine ou après boulot, je ne me soucierais pas de ça. Mais là, j’ai fait un choix, celui de vivre de ma plume. Je n’ai pas dit « survivre » de ma plume, j’ai dit en vivre, et bien. Si je veux que ma petite mange, je dois vendre des livres et faire de l’argent. Oui, faire de l’argent. Oh ! péché ! Les chanteurs peuvent faire de l’argent, les acteurs aussi, mais lorsqu’on parle des auteurs, houlà, on dirait que ça choque tout le monde, y compris les auteurs eux-mêmes. Votre est job censée vous rapporter du fric, non ? Eh bien la mienne aussi.

    Plusieurs me demanderont : doit-on sacrifier la qualité aux dépens de la quantité ? À ceux-là je réponds que j’ai toujours remis des textes dont j’étais fier. De toutes les nouvelles que j’ai écrites, celles dont on me parle le plus souvent, celles qui ont marqué le lectorat, sont celles des clowns vengeurs. Des textes que j’ai écrits des soirs de brosse sur le coin d’une table. Véridique.

    Dom, tu écris : « Pense-t-on que parce qu’on publie beaucoup de livres, on est nécessairement un meilleur écrivain? » Non, c’est vrai, tu as raison, on n’est pas un meilleur écrivain parce qu’on publie beaucoup de livres, mais l’inverse est aussi vrai : on n’est pas un meilleur écrivain parce qu’on publie un livre tous les quatre ans.

    Tu écris aussi : « Il me semble que c’est en produisant de bons livres qu’on reste dans la mémoire des gens. » Faux. Si tu savais le nombre de bons livres qui passent inaperçus et dont personne ne se souviendra…

    Autre ligne : « Un écrivain qui se force à écrire beaucoup manquerait-il de confiance en soi, se sentant incapable de produire le bon livre, celui qui le propulserait au sommet des palmarès? » Mais que faut-il pour produire le bon livre, celui qui propulserait n’importe qui au sommet des palmarès? Ça, personne ne le sait. Personne ne peut prédire le succès d’un livre, ce n’est pas une question de confiance en soi. Publier un bouquin, c’est comme jouer au loto. Plus tu en publies, plus tu as de chance de gagner. Et Dom, tu sais comme moi que ce ne sont pas les livres les mieux écrits qui se hissent généralement au sommet des palmarès, pense seulement à Dan Brown, Nora Roberts, Stephenie Meyer et d’autres auteurs que je ne nommerai pas. Tout ça n’a rien à voir.

    Soit vous visez le succès d’estime, soit vous visez le succès populaire. Ceux qui obtiennent les deux, comme Kim Thuy, par exemple, sont plutôt rares. Et si vous écrivez de la littérature de genre, je vous suggère plutôt de viser le succès populaire. Si vous décidez tout de même d’écrire en espérant que votre génie sera un jour reconnu, et bien je vous conseille de ne pas quitter votre boulot.

    Au fait, Stendhal a écrit La Chartreuse de Parme en 42 jours. Flaubert a écrit Madame Bovary en quatre ans et demi. Lequel de ces bouquins est le meilleur? Pour ma part, tout comme Balzac, j’ai toujours préféré la Chartreuse de Parme, même avant de savoir qu’il avait été écrit en un mois et demi. ;o)

    Et pour tous ceux qui se posent la question : oui, Dom et moi sommes de bons copains et avons même des projets ensemble (d’ordre professionnel, j’entends… ;o) alors il ne s’agit pas ici de compte à régler, mais bien d’un débat comme tous les deux nous les aimons.

    P.S. Au fait, Dom, non, je ne pourrai pas aller au lancement samedi, c’est l’anniversaire de mon filleul !

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  • 29 novembre 2010 à 18:56
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    Je me lance dans le débat un peu tard juste pour dire une chose qui n’ont pas été dite ci-dessus (ou alors c’est une bigleuserie de ma part, désolé):

    Il me semble qu’il ne faut pas jeter la pierre trop vite aux participants du Nano qui publient leur progès en nb de mots sur leurs blogues, car, dans les blogues que j’ai lu à ce sujet en tout cas, il m’a semblé que ce comptage était plus une forme d’auto-stimulation/encouragement que vraiment un débat de fond.

    Au fond, ces billets me semblent à moi plus écrits pour l’auteur lui-même que pour son lectorat. C’est un peu comme un contrat moral qu’ils exposent, certains auteurs ont sans doute besoin de ça, d’autres non… Ce comptage public rend en effet l’abandon beaucoup plus difficile, j’ai ainsi vu quelques blogues où les auteurs se justifiaient (plus ou moins longuement) d’avoir arrêté.

    Une forme de motivation comme une autre, donc, je n’arrive pas à leur en vouloir pour ça…

    Par ailleurs, j’aime bien le commentaire de Michel J. Lévesque ci-dessus, mis -a part une toute petite chose:  » tu sais comme moi que ce ne sont pas les livres les mieux écrits qui se hissent généralement au sommet des palmarès »… ce ne sont vraiment pas les pires nons plus! Il me semble à moi au contraire que ces auteurs de « best-sellers » ont compris quelque chose. Ils reproduisent peut-être toujours la même formule, mais pourquoi changer quelque chose qui marche, après tout? Surtout si on veut vivre de son art…

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  • 1 décembre 2010 à 9:02
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    Je suis d’accord, Alex, mais la plupart des auteurs de best-sellers (pas tous, il ne faut pas généraliser) ne sont pas des auteurs exceptionnels. Ils savent tout simplement raconter de bonnes histoires. Et c’est une condition qu’on oublie souvent : pour avoir un succès populaire, il faut raconter de bonnes histoires. On a beau être le meilleur écrivain au monde, si ce qu’on raconte est ennuyant, on risque de plaire uniquement à une infime partie de la population. Moi-même je ne me considère pas comme un auteur talentueux, mais je crois être capable de raconter une histoire. Et il n’y a pas que le talent qui soit nécessaire pour assurer le succès d’un livre. Il faut aussi de la visibilité, surtout en librairie. À part de très rares exceptions, les bouquins imprimés à 2000 exemplaires ne peuvent se mesurer à ceux qui sont imprimés à 5000 exemplaires et plus.

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  • 1 décembre 2010 à 9:10
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    Michel : Ne te sous-estime pas; savoir raconter une histoire, ça fait partie du talent de l’écrivain! Ce n’est pas tout le monde qui y arrive…

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  • 1 décembre 2010 à 10:44
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    Lancement samedi, est-ce que c’est mon lancement ça?

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