Le troisième objet dont je voulais vous parler se trouve juste au-dessus de Fano.

Le laminé

C’est un laminé, assez ordinaire merci. Il représente une espèce de cascade dans un coucher (ou lever) de soleil, photographié avec une exposition longue, de sorte qu’on voit aucune goutte d’eau.

Même moi, j’ai de la difficulté à dire si je l’aime.

* * *

Je l’ai acheté alors que je vivais à Sainte-Marie, quelque part autour de 2002. L’appartement était tout blanc : murs blancs, meubles en mélanine blanche, fenêtres blanches. Même le revêtement extérieur était blanc (sur une charte de peinture, ça se serait appelé « blanc sale pas lavé depuis 5 ans », mais c’est classé dans les blancs quand même).

Tout ce qui brisait cette monotonie était un trou d’un demi-pouce dans le mur de la cuisine. Comme si quelqu’un avait donné un coup de marteau dans le plâtre.

J’avais deux choix. Ou bien je bouchais le trou, ou bien je le cachais.

* * *

À l’époque, le gros magasin de meuble à Sainte-Marie est Meubles Napert. C’est connu comme étant cher, mais je me souviens avoir vu une succursale de liquidation, un genre de magasin-entrepôt près des cinémas, accessible en 4×4 uniquement (j’exagère, mais c’était vraiment dans un trou).

Je m’y rends, peu sûr de moi.

* * *

Là-bas, je visite le magasin et zyeute en même temps tout ce qui s’y trouve, ne sachant même pas si j’avais besoin de quelque chose.

Je trouve une chaise d’ordi vendue à 50 % de rabais. Elle avait des accoudoirs. La mienne en avait pas.

Dans ma tête, les accoudoirs, c’était vraiment un symbole de réussite sociale.

Le vendeur me dit que le rabais, c’est parce que le dossier est un peu croche.

Bah! J’suis trop jeune pour avoir des problèmes de dos. J’ACHÈTE!

* * *

À l’étage supérieur, je vois une pile de laminés avec des défauts mineurs, tous vendus 29,99 $.

Je spot un laminé de magicien. Je l’achète immédiatement parce que, t’sais, je joue à Donjons & Dragons et les magiciens, c’est cool.

Sauf qu’il est vertical. Pour boucher mon trou, ça m’en prendrait un dans l’autre sens.

J’examine la pile.

Non, non, non… Non.

Et là je vois une chute d’eau.

Non.

* * *

Les autres laminés sont tous aussi laids les uns que les autres.

J’en choisis un au hasard, le paye et le rapporte à la maison.

* * *

Quelques années plus tard, je déménage dans mon jumelé à Québec.

Évidemment, comme on louait pas des appartements nickels, il y avait souvent quelques défauts.

Celui-là n’a pas fait exception. Il n’avait pas de trou dans le mur, mais plutôt un chunk de gyproc manquant juste au-dessus du buffet dans la salle à manger.

Une belle chute d’eau l’a caché.

J’aurais bien vous montrer une photo, mais j’étais pas un fan de photographie dans ce temps-là. Et mes seuls clichés de l’endroit font soigneusement le tour de la position du laminé sur le mur, comme si je l’évitais.

* * *

Tout comme Fano, le laminé ne m’a pas suivi quand j’ai aménagé avec ma blonde. J’ignore si c’est parce qu’elle le trouvait laid. En fait, j’ai aucune idée si elle l’aime ou pas. Ça n’a pas d’importance. Même moi, j’arrive pas à me décider.

Les murs étaient impeccables. C’est surtout à cause de ça.

Conséquemment, j’ai abandonné le laminé au fond d’une salle non finie où il aurait pu rester jusqu’à la fin des temps.

Après avoir acheté notre maison et déménagé tous les meubles, j’ai « oublié » de l’apporter. Il est resté dans l’ombre et  la poussière pendant quelques années, abandonné comme un gros pou.

* * *

Ces derniers temps, mon bureau est passé par 4 pièces dans cette maison. Dans les trois premiers emplacements, je n’ai jamais pensé récupérer le laminé de chute d’eau.

Cependant, en arrivant dans le sous-sol, l’idée m’a traversé l’esprit.

Après avoir repeint un des murs en jaune – tâche durant laquelle j’étais penché la moitié du temps, et où j’ai eu mal dans le dos parce qu’à une certaine époque, j’avais acheté une MAUDITE CHAISE CROCHE -, je me suis dit : « Ouin, c’est à peu près le même jaune que mon vieux laminé. »

Alors je l’ai récupéré.

Il avait évidemment une deuxième fonction :

Trou dans le mur

Comme on dit en anglais, old habits die hard.

Les objets de mon bureau #3 : Laminé de chute d’eau
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2 avis sur « Les objets de mon bureau #3 : Laminé de chute d’eau »

  • 17 septembre 2013 à 18:37
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    Vite de même, il semble se marier à ravir avec Fano. Quels souvenirs, dans ce bureau!

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  • 18 septembre 2013 à 8:57
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    Au final, ça marche. Les couleurs s’harmonisent bien. Je ne pouvais pas en dire autant pour mes anciens appartements où, en matière de décoration, je n’ai jamais été plus loin que « remplir les murs de plein de cochonneries disparates ».

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